18 novembre 2022 - Ingénierie Patrimoniale

Préciput et droit de partage : taxation ou non ?

Les clauses de préciput font régulièrement l’objet de redressement par l’administration fiscale sur le terrain du droit de partage. Ne s’agirait-il pas d’un excès de zèle ?

Retour sur l’analyse donnée par plusieurs jugements récents*, confirmant qu’une clause de préciput n’est pas soumise et ne doit jamais être soumis au droit de partage. Car rappelons-le, pour qu’il y ait application d’un droit de partage, il faut qu’il y ait un partage. Or, une clause préciputaire étant une faculté de prélèvement avant tout partage, comment l’administration fiscale peut-elle affirmer qu’il existe un droit de partage en l’absence de toute opération de partage !

Dans l’affaire jugée par le tribunal de Niort, un couple marié avait modifié son régime matrimonial afin d’y inclure une clause de préciput au profit du conjoint survivant. Au décès de Monsieur, l’épouse préleva au titre de cette clause la résidence principale, la résidence secondaire et des meubles meublants. Elle opta également pour l’usufruit de la totalité des biens composant la masse successorale. Suite au dépôt de la déclaration de succession, l’administration fiscale adressa une proposition de rectification au motif que les biens prélevés au titre du préciput devait être soumis au droit de partage prévu à l’article 746 du CGI.

Les juges de première instance donnent raison à l’épouse. Il convient de distinguer aussi bien le volet civil que fiscal dans le raisonnement.

La clause de préciput insérée dans le contrat de mariage permet à l’époux qui en est bénéficiaire de prélever sans indemnité certains biens de la succession, même si la valeur des biens excède la part à laquelle il aurait eu droit. Elle permet notamment d’éviter une situation d’indivision successorale sur certains biens, comme le logement du conjoint survivant. Le bien est exclu de la succession (articles 1515 à 1519 du Code Civil).

Il faut revenir à la genèse de la rédaction de l’article 1515 du Code civil qui précise bien : « […] sera autorisé à prélever sur la communauté, avant tout partage […] ». Cela signifie qu’il n’existe pas de situation d’indivision, puisque la détermination de la masse successorale n’a pas encore eu lieu. Il ne s’agit donc que d’un prélèvement opéré par le conjoint survivant, et non d’une répartition de biens entre plusieurs héritiers.

Aussi, qui dit droit de partage, dit droit de recevoir un lot à hauteur de ses droits. Or, la clause de préciput implique uniquement un prélèvement sans contrepartie. Le conjoint survivant fera valoir ses droits (100% en usufruit ou ¼ en pleine propriété) sur la masse successorale après préciput.

Enfin, l’article 1516 du Code civil indique que la clause de préciput est une convention entre associés et ne constitue pas une donation. En résumé, la clause de préciput n’est ni un acte à titre gratuit, ni un acte à titre onéreux qui justifierait l’application du droit de partage.

D’un point de vue fiscal, le BOFIP** et le CGI*** prévoient que pour que le droit de partage soit applicable, quatre conditions sont exigibles : l’existence d’un acte, l’existence d’une indivision entre les copartageants, la justification de l’indivision et l’existence d’une réelle opération de partage.

S’il existe bien un acte en présence d’une clause de préciput, le reste des conditions n’est pas rempli. Il n’existe pas de situation d’indivision entre le conjoint survivant et le défunt. Il n’y a pas de réelle opération de partage puisque le partage transforme le droit abstrait et général de chaque copartageant sur la masse commune en un droit de propriété exclusif sur les biens mis dans son lot. Comme on l’a vu précédemment, le préciput n’est qu’un prélèvement sans contrepartie.

La fiscalité applicable doit donc bien tenir compte de la qualification civile de cette clause de préciput, charge à l’administration fiscale maintenant de mettre fin aux différents redressements en cours sur le sujet ! Espérons qu’elle entendra raison.

L’équipe de l’Ingénierie Patrimoniale se tient à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.

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*1TJ Rennes, 20/04/2022, RG 19/03432 + TJ Niort, 24/01/2022, RG 20/01453 + TJ Lille, 04/04/2022, RG 20/03477
**BOI-ENR-PTG-10-10
***Article 746 du CGI